« Le Chant du coucou » de Frances Hardinge

Au sortir de la Première Guerre mondiale, la société anglaise, malgré le traumatisme, est en plein changement. Elchester est une jolie bourgade qui entre dans la modernité grâce à Piers Crescent, un architecte de génie qui y a construit des ponts, et une nouvelle gare qui va être inaugurée prochainement.

Son fils Sébastian ayant été tué à la guerre, lui et sa femme couvent leur fille aînée Térésa, surnommée Triss, 11 ans, à la santé fragile, délaissant Pénélope, la plus jeune, 9 ans, toujours en train de faire des bêtises pour se faire remarquer.

Si la société est encore très convenue, le changement est amorcé : le jazz envahit les troquets, les femmes s’émancipent, elles travaillent, elles fument, elles chevauchent des motocyclettes, à l’instar de Violet Parish, l’ex-fiancée du pauvre Sébastian, qui n’est évidemment plus la bienvenue dans la famille Crescent.

Un matin Triss se réveille un peu déboussolée, elle ne se souvient que difficilement de qui elle est, et n’a aucun souvenir de la nuit passée. Elle a eu une grosse fièvre après être apparemment tombée dans la Sinistre, la petite rivière locale. Tout devrait rapidement rentrer dans l’ordre.

Mais voilà que des choses étranges commencent à se produire : Triss est prise de fringales incoercibles, elle se réveille des brindilles dans les cheveux, les pages de son journal sont arrachées… Et Pen, l’intrépide Pénélope, a peur d’elle et prétend qu’elle n’est pas sa sœur.

L’histoire étant racontée du point de vue de Triss, le lecteur se sent vite en totale empathie avec la petite fille. Ce que j’ai adoré dans ce roman, c’est la façon dont l’auteure amène le fantastique, par petites touches ; en même temps que Triss, on relève des choses étranges, inquiétantes, mais pas tant que ça, et puis ça dérape, ça s’emballe, et on est totalement happé par l’histoire.

Très largement inspirée par les légendes nordiques autour des changelings, ces êtres que les fées laissent à la place des enfants qu’elles enlèvent, l’auteure puise aussi auprès du Petit Peuple et autres gobelins. L’écriture, le ton et les thématiques s’adressent à un public adulte, même si l’héroïne est une enfant. Frances Hardinge excelle à distiller ses informations, à brosser une atmosphère où le secret mine tout. Le malaise s’installe, l’inquiétude grandit, le lecteur est captivé…

Et puis quelle belle idée de situer cette histoire fantastique au sortir de la Première Guerre mondiale, et non à l’époque médiévale plus propice à l’apparition de créatures fantastiques selon l’imaginaire collectif. Cela permet une étude de mœurs de la société anglaise des années 20, avec des clins d’œil à l’émancipation des femmes, à l’apparition du cinéma, à l’utilisation du téléphone. Au final ce roman «  coup de cœur », doté de plus d’une superbe couverture, m’évoque les contes de Tim Burton, d’Edward aux mains d’argent aux Noces funèbres, ce qui est un énorme compliment.

Chronique de Michelle ‘1642’ Gagnère

A propos de Christian

L'homme dans la cale, le grand coordinateur, l'homme de l'ombre, le chef d'orchestre, l'inébranlable, l'infatigable, le pilier. Tant d'adjectifs qui se bousculent pour esquisser le portrait de celui dont on retrouve la patte partout au Club. Accessoirement, le maître incontesté du barbecue d'agneau :)

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