« La complainte d’Eurydice » de Brian Stableford

Orphée ! Le mythe de l’amour absolu. Brian Stableford le triture, le plie, le broie pour nous donner sa version à lui de l’histoire. La Complainte d’Eurydice fait suite à un premier court roman, La Muse égarée, paru également chez Rivière Blanche. Ce deuxième opus a toujours pour héros Axel Rathénius, le conteur des Chroniques de Mnémosyne. Il se situe à nouveau dans un univers alternatif au nôtre, où l’Empire romain a perduré à travers les siècles, à une époque qui pourrait s’apparenter à notre 18ème siècle, avec l’arrivée des Lumières et l’apparition du scepticisme en religions et en croyances diverses.

Sur l’île Mnémosyne, des artistes se sont regroupés en une petite colonie d’intellectuels, entourée de marins et d’agriculteurs à la vie paisible et besogneuse – avec cependant aux beaux jours l’arrivée de quelques aristocrates du continent. Le conteur, Maître Rathénius, un peintre de grand talent et de forte renommée, nous dévoile son environnement quotidien, à travers son œil acéré d’artiste et son esprit mordant. Il chemine lentement, les trajets se faisant le plus souvent à pied et parfois en attelage.

Puis, l’atmosphère vespérale se transforme, et l’inconnu s’installe, par petites touches, peu à peu. Le lecteur s’interroge : dans quelle direction Brian Stableford veut-il nous entraîner ? Il nous fait douter de nos sens, craindre des périls, il joue avec les fausses pistes. À plusieurs reprises, le mythe d’Orphée et d’Eurydice est évoqué.

Au fait, quels sont les souvenirs de jeunesse que nous en gardons encore dans nos vies d’adultes ? Il est tentant d’aller vérifier ces lointaines réminiscences, mais l’auteur ne nous en laisse pas le temps, le rythme s’accélère. Il y a au moins une quinzaine de protagonistes qui se croisent dans le roman. À chaque rencontre, un petit morceau du puzzle est rajouté, et notre curiosité ne sera satisfaite qu’à la découverte de la toile dans son ensemble. On pourrait décrire cette recherche de la vérité comme une enquête policière, une mise bout à bout de témoignages humains et d’évènements surprenants. Mais c’est autre chose que Brian Stableford tente de pointer du doigt.

Il revisite le mythe, l’analyse avec une autre lumière, sa perception à lui. Et le lecteur est subjugué par cette théorie si moderne, si différente de la mythologie classique, une théorie qui entre en résonnance avec notre époque à nous, du XXIème siècle, d’ici et maintenant. Et d’ailleurs – c’est sans doute un effet voulu par l’auteur – le conteur, Axel Rathénius, qui se présente lui-même directement au début du roman, m’a un peu irritée au démarrage de la lecture – en tant que lectrice. Son ton, si satisfait de lui-même m’a déplu sur le moment. Amusée aussi.

Nous connaissons tous un de ces hommes, si sûr et quasiment amoureux de lui-même, si imbu de sa personne. Si irrésistible. J’ai eu peur un instant. Et puis il s’est avéré que celui-là sait prendre du recul, qu’il a de l’humour, qu’il est perspicace et surtout très intelligent. Alors là, oui, j’aime bien ce genre de personnages. Même un peu agaçant. Et j’ai apprécié cette quête à ses côtés. Il faut être bien accompagné, quand les forces mystérieuses du mal menacent.

J’ai aimé cet ouvrage, sa lecture m’a réjouie. Je l’ai dévoré d’un trait. Toutes ces références au mythe d’Orphée et d’Eurydice m’ont instruite sur la légende elle-même, que j’avais un peu oubliée. La grande connaissance qu’en a Brian Stableford est impressionnante d’érudition, tout comme son interprétation personnelle, non conventionnelle.

Chronique de Marie-Christine ‘1562’ Bussière

A propos de Christian

L'homme dans la cale, le grand coordinateur, l'homme de l'ombre, le chef d'orchestre, l'inébranlable, l'infatigable, le pilier. Tant d'adjectifs qui se bousculent pour esquisser le portrait de celui dont on retrouve la patte partout au Club. Accessoirement, le maître incontesté du barbecue d'agneau :)

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