« La Grande Route du Nord – 1 & 2 » de Peter F. Hamilton

Tout commence à Newcastle, dans la nuit du dimanche 13 janvier 2143, lorsque l’inspecteur de classe trois Sidney Hurst et son équipier Ian Lanegin sont appelés à la toute fin de leur service pour prendre en charge un homicide : on vient de repêcher dans la Tyne un corps qui porte une horrible mutilation à la poitrine, le cœur arraché comme par cinq griffes acérées. Sid reconnaît tout de suite la victime : il s’agit d’un North.

À partir de là, tout devient compliqué et dangereux, car les North sont tous des clones, descendants de Kane North, dont ils ont l’énergie, l’intelligence supérieure et les appétits. Sauf qu’il existe trois générations de clones issus des trois frères initiaux, chacune ayant un peu plus de défauts que la précédente. Cette véritable dynastie est à la tête du plus puissant conglomérat humain, celui-là même qui, grâce au portail transpatial fabriqué par le génie des North et implanté à Newcastle, possède la gigantesque planète St Libra d’où il exporte les biocarburants dont l’humanité dépend. Sid se voit charger de l’enquête, avec budget illimité et soutien des North, une enquête qui peut lui coûter sa carrière ou bien au contraire lui donner un sacré coup d’accélérateur. De fait, impossible d’identifier le clone assassiné. Une très minutieuse et pesante machinerie d’investigation se met en place, pour découvrir ce qui s’est passé grâce à la modélisation en trois dimensions des données fournies par le maillage de surveillance de la ville.

Mais dans le même temps, une autre machinerie, encore plus lourde et puissante, se met en branle, celle de l’ADH, la plus grande organisation militaire jamais créée par l’humanité. Celle-là même qui lutte de manière dérisoire contre le Xanth, une entité incompréhensible qui erre dans l’espace et dévore des planètes entières – et a déjà englouti une colonie humaine. Car la blessure qui a tué le North repêché dans la Tyne a déjà été vue. Une seule fois. 22 ans plus tôt, sur St Libra. Et la victime était l’un des trois fils de Kane North. À l’époque, on a fini par retrouver la coupable. L’ADH l’a d’ailleurs soustraite à la justice après son procès pour la torturer et découvrir ce qui s’était réellement passé.

Depuis vingt ans, Angela croupit en prison pour un assassinat horrible qu’elle n’a pas commis. Personne ne croit sa version des faits. On n’a en effet jamais retrouvé la moindre trace de l’extraterrestre humanoïde qu’elle dit responsable du carnage. Et comment croire qu’elle seule ait pu lui échapper ? Mais ce nouveau meurtre confirme sa version et les souvenirs arrachés à son cerveau deux décennies plus tôt, aussi Vance Elston de l’ADH la fait-il sortir de sa prison haute sécurité.

Une mission doit partir pour la planète où tout a commencé et dont semble provenir la créature. Seule survivante de sa première attaque, Angela est « conviée » à y participer, pendant qu’à Newcastle l’enquête de Sid s’enlise. Mais elle sera toujours sous bonne garde, en liberté surveillée. Pour Angela, c’est toujours mieux que la prison. Angela est une survivante. Et personne n’a découvert qui elle est vraiment ni pourquoi elle faisait la prostituée de luxe dans le manoir North de St Libra, vingt-deux ans auparavant. Grâce à ses gènes améliorés, elle n’a pas vieilli durant son emprisonnement. Si elle échappe au monstre, elle compte bien recommencer à vivre…

Comme on le voit, l’univers imaginé par Peter F. Hamilton dans ce vaste roman (pourtant l’un de ses plus courts) est, encore une fois, d’une richesse foisonnante et d’une vraisemblance à couper le souffle, tant il maîtrise à la perfection l’art d’étoffer sa narration par mille détails réalistes. La grande précision et la cohérence de son imagination alliées à la maîtrise narrative de l’intrigue concourent à nous immerger dans cette anticipation qui mêle avec bonheur de nombreux motifs et thèmes du genre (clonage humain, expansion colonisatrice de l’humanité dans l’espace, menace extraterrestre, etc.). On suit en alternance deux intrigues principales (l’enquête de Sid, l’expédition sur St Libra), si bien qu’on profite à la fois du genre policier façon « whodunit » et de l’aventure spatiale (façon planet opera). L’auteur nous offre ainsi matière à réfléchir sur des problématiques immémoriales (les rapports humains, les relations de pouvoir, la peur de l’inconnu, l’amour maternel, le désir d’immortalité…) aussi bien que très contemporaines (la judiciarisation de la société, la surveillance toujours plus complète des individus, la propension humaine à saccager son environnement, l’importance croissante des médias, le poids de la hiérarchie, l’interconnexion toujours plus grande entre les individus et les réseaux informatiques, l’évolution du génie génétique et la possibilité pour l’espèce humaine de maîtriser sa propre évolution…). Peter F. Hamilton réussit ainsi à opérer la synthèse de nombreux domaines de la SF, pour nous proposer un roman qui, sans révolutionner le genre, reste bien mené et passionnant, très difficile à lâcher avant la fin.

A propos de François

Infatigable, inaltérable, François est responsable des ateliers d’écriture du Club Présences d’Esprits depuis 1998. Ses relations privilégiées avec les auteurs lui permettent de parfaitement connaitre cet univers. Il a aussi commis et participé à quelques anthologies dont le Club n'est pas peu fier, et se retrouve régulièrement de l'autre côté avec quelques nouvelles publiées.

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Un commentaire

  1. Un thriller spatial dont même si la lecture est très agréable si l’on ne pouvait pas en éliminer une grande partie.

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