« Cinq pas sous terre » de Vanessa Terral

cinq-pas-sous-terreOn peut se dire au départ : encore une qui surfe sur la vague bit-lit ! Mais franchement, la vision de Vanessa Terral est extrêmement originale. Pas de morsures au programme, ni de chasse au jaguar (il est vrai que ces bestioles ne pullulent pas à Toulouse). Les Vampires sont seigneurs autant que saigneurs, celle-ci est une beurette de milieu modeste, vampire bien malgré elle.

D’ailleurs on se demande comment il pourrait en être autrement, puisque le vampire nouveau-né n’accède à son statut définitif qu’en mâchant morceau après morceau son linceul, et gare à l’indigestion ! Quel rapport, direz-vous ? Eh bien, vous en connaissez beaucoup aujourd’hui, à part les musulmans, justement, qui mettent leurs morts dans un linceul ? Sans parler de tous ceux qui les incinèrent ! Pour couronner le tout, Jabirah est lesbienne !

De toute façon, ce qui intéresse l’auteure, ce n’est pas tant l’alimentation particulière du vampire que sa capacité d’être à la fois esprit et corps. C’est pour cela que, piétinant tous ses principes, Muriel, enjôleuse d’esprits, a exploité la mort de Jabirah et de sa famille dans un accident et négocié avec un vampire la transformation de la jeune fille qu’elle oblige à la servir en confisquant son linceul. En empruntant le regard de Muriel, qui parle aussi bien à l’esprit de l’eau dans une conduite qu’à celui d’un arbre, l’auteure nous promène dans un monde grouillant de vies spirituelles dissimulées derrière la surface des choses, tout en assumant allègrement la trivialité du monde moderne, qui de toute façon n’est que l’un des aspects du réel. Les lieux les plus prosaïques de Toulouse ne sont pas moins propices au voyage vers l’au-delà ou au duel d’entités mystiques que ses monuments historiques.

La narration alterne deux points de vue. Celui de Jabirah (au présent, et à la première personne), présente deux intérêts : un, nous offrir un échantillon de langage disons hip hop, lequel contraste de façon savoureuse avec le sérieux, voire le tragique, du propos ; deux, nous faire vivre de l’intérieur les sensations d’un cadavre à son « réveil ». Expérience par définition originale. Et un tantinet traumatisante. Celui de Muriel s’exprime à travers une focalisation interne plus classique (à la troisième personne), dans un langage plus « sage » et nous révèle le passé de l’« enjôleuse » devenue « engeôleuse » à son corps défendant. Pour intéressante qu’elle soit, cette variation ne va pas sans problème. Certes, il est admis, de règle même, que chaque individu voie les choses à sa manière. Pourtant, on a du mal à faire coïncider la Muriel sensible et bourrée de scrupules du second point de vue avec l’impitoyable et colérique dompteuse vue par les yeux de Jabirah. Il est vrai que depuis le début on sent que, malgré sa colère, Jabirah « en pince » pour sa dompteuse et la suite va confirmer cette attirance… réciproque ???

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