Votes pour le match d’écriture des Oniriques 2017 : « Le cheval-vapeur a faim »

Oui, je sais. A chaque fois je trouve des arguments pour justifier le choix de certains thèmes…. mais là … Bon, la fatigue on va dire. Voilà. Promis je n’utiliserai ce joker qu’une seule fois 🙂

  • Dans le ventre de la bête
  • Retard stratégique
  • La légende du cheval vapeur
Contrainte 1
Dans les soutes d’un vaisseau spatial
Contrainte 2
Un archer maladroit

DANS LE VENTRE DE LA BÊTE

Le jeune Zek visa attentivement sa proie. Le vent était doux. Le kimon broutait mollement, le regard sous anesthésiant. C’était une proie facile, juste une grosse bestiole à poils long immobile. Pourtant, Zek parvint à le rater, et son tir laser fit éclater un bout d’écorce d’arbre. Le kimon s’était immobilisée, mais juste une seconde, reprenant déjà son cycle éternel de mâchouinage.

Même lui il me nargue, songea Zek.

Lorsqu’il banda son arc une deuxième fois, il glissa sur une feuille humide et tomba dans la vase. Il recrachait ce qui était entré dans sa bouche lorsqu’une voix jappa :

« Arrête de faire l’abruti Zek, et ramène tes fesses ! On a reçut un Od’Spé des schnocks de Là-haut ! »

Le jeune homme se secoua et rejoignit son oncle. Il aurait aimé montrer à ses pairs qu’il pouvait lui aussi être un Chasseur, mais peut-être devait-il renoncer à quelque chose d’aussi puéril. Il ne ressentait pas la nature comme il pouvait ressentir les machines. L’espace l’attendait, et ça, c’était son domaine.

***

« Hey ho ! » lança un homme en chantant, hilare. Ses compagnons de galère, la tronche noire de régolithe, soupirèrent en cœur. Individus couverts de poussières spatiales jusqu’aux poils les plus intimes, seuls la couleur de leurs yeux, et le macaron terni individuel sur leur veste, les différenciaient.

« Tu ne vas pas remettre ça, grogna l’un. T’es encore cramé ma parole !

— Bah laisse-le, tu sais bien que c’est comme ça qu’il tient.

—Je m’en fou, il me gave ! Le boulot est dur pour tout le monde !

— Laisse-tomber, je te dis. »

Les deux techniciens se fixèrent, les sourcils froncés. Puis se détournèrent vers l’un des leurs qui n’avaient vraiment pas la même allure. Lui, il avait à peine vingt ans, et des éclairs rouges de ses cheveux parvenaient à percer le noir de la suie. Il était filiforme, alors que la pluparts des mécanos étaient fort de carrures, atout pour leur job. Mais surtout, il souriait. Il manœuvrait les commandes instinctivement, et il se fichait bien de se prendre des fumées dans la gueule. Il souriait avec sincérité. Zek aimait son job, et sa gaieté fit évanouir les tensions. Il valait mieux ça dans l’espace, car les espaces étaient petits. Zek ne se rendit compte de rien, juste satisfait de son boulot. Il n’avait même pas fait gaffe à ce que lui avait dit son oncle. Quelque chose comme une mission dans la nébuleuse de la Tête de Cheval pour récolter de quoi faire tourner les moteurs des vaisseaux de la compagnie. Une mission de routine, quoi. Zek aimait entendre les cliquetis et chuintements des machines, cela l’apaisait. Il se sentait bien plus à l’aise ici, au cœur du vaisseau-spatial, que sur l’horizon plat de sa planète natale. Il se demandait parfois si on ne lui avait pas menti sur les lieux de sa naissance, car il avait l’impression d’être dans un ventre maternel et réconfortant.

***

Trois mois plus tard, le chargement de minerais entrait en soutes. Zek sentit le vaisseau se cabrer et frémir. Mais le capitaine avait ses ordres, et tant pis si le navire avait ses soutes si pleines que les murs se tordaient sous la pression.

« Avant-dernier chargement les gars ! »

Tout en surveillant de près les machines qui soufflaient sous l’effort, Zek se mit à parler à voix basse au vaisseau. Zek se sentait malheureux pour lui, il avait mal pour lui. Qui aimerait avoir ses entrailles prêtes à rompre ? L’ultime livraison fit émettre au navire des protestations vives avec des quelques grincements inquiétants. Zek fronça les sourcils. Les jauges étaient à peine dans l’orange, mais…

« C’est tout bon, on passe au dernier ! »

Non, ce n’est pas bon, pensa Zek. Son cœur battait plus vite que de coutume, même pour un moment si critique qui justifiait leur voyage. Il poussa le bouton de la communication avant même de s’en rendre compte.

« Capitaine, on doit s’arrêter là. Le vaisseau ne peut pas en manger plus, lança-t-il.

— Qui parle ? s’écria un officier.

— Ici Zek de la maintenance.

— Dégage des communications mon gars ! Seul le Quartier-maître est autorisé à utiliser cette ligne !

— J’insiste, appuya Zek, la voix posée. Le vaisseau n’en supportera pas plus. »

Il y eut un mouvement d’humeur dans la salle des machines, et les techniciens eurent du mal à rester concentré sur leur travail, pourtant délicat. Le Quartier-maître rejoignit Zek. Il le connaissait depuis longtemps, et se forçant à garder son calme, il posa une main sur son épaule et lui dit :

« Bon, qu’est-ce que tu nous fais là ? La jauge n’est pas dans le rouge, on est chargé à bloc mais ça va tenir. Pas de quoi faire paniquer les patrons. »

Zek l’observa. Il n’aimait pas vraiment les humains, il préférait les machines. Mais le Quartier-maître, il le respectait. Il savait que c’était un homme qui était respectueux du vaisseau. Il pouvait comprendre, lui.

« Les voyants ne disent rien, c’est vrai, admit Zek. Mais je le sens. Si on demande au vaisseau d’ingérer une charge de plus… il va nous claquer entre les doigts. »

Le Quartier-maître resta silencieux un moment. Il n’était pas assez idiot pour sous-estimer l’intuition de son meilleur homme, mais les enjeux étaient importants et cela sera difficile à expliquer à sa hiérarchie.

« Dernier chargement en cours de livraison. On pose le colis. Trois secondes. »

La structure du vaisseau vibra alors que les derniers minerais commençaient leur transfert de poids à l’intérieur. Mais les voyants de l’ingénierie refusaient désespérément de sonner l’alarme. La poitrine de Zek se serra. Il étouffait.

« Deux secondes. »

Le Quartier-maître ne lâcha pas le jeune homme du regard, et lança par l’intercom :

« Capitaine, refusez le dernier chargement.

— Les machines sont dans le rouge ?

— Non.

— Pardon ?

— On peut faire confiance à l’instinct de mon homme.

— Une seconde avant transfert final. »

Plus personne à l’ingénierie n’osait respirer. Quelque soit la résolution de cette affaire, ils seront responsable.

« Contre-ordre. Abandonner la livraison, ordonna subitement le Capitaine. Zek c’est ça ?

— Oui, Monsieur ?

— Je fais confiance à mes hommes, et à mon navire. Moi aussi, je l’entends hurler. »

Ils découvrirent plus tard une défaillance qui n’aurait pas été décelée à temps par les machines. L’instinct de l’homme, à l’écoute de son environnement, restait encore le meilleur système de survie, même dans l’espace.

Contrainte 1 Une faille tectonique
Contrainte 2 Grand, fort et … retardé

RETARD STRATÉGIQUE

Les combattants étaient coude à coude, frémissants. La ville ennemie était face à eux, prête à trembler sous leurs coups. Ils étaient aux aguets de l’annonce de l’assaut pour enfin mettre une raclée à ces habitants qui leur résistaient depuis trop longtemps. Leurs rangs étaient serrés, tous attendaient le cri qui marquerait le début des combats… et le chef était en retard.

Lum soupira. Le chef Selin était toujours en retard. Et il avait toujours une bonne excuse.

Personne n’aurait songé à aller à l’encontre de son autorité : Selin était respecté, il était droit et honnête, fort, carré, aimé de ses troupes. Il avait gagné sa place par des hauts faits héroïques que personne ne pouvait contester. Mais il n’était jamais à l’heure. Aucun soldat n’aurait jamais osé lui faire la moindre réflexion à ce sujet, mais il n’en allait pas de même pour Lum, son lieutenant, qui fulminait face aux troupes impatientes sans pouvoir rien y faire.

Des jours et des jours pour établir une stratégie d’attaque, et au lieu de se lancer à corps perdu dans la bataille, ils restaient là à attendre que leur chef revienne avec une autre excuse fumeuse de son cru.

La semaine passée, ils l’avaient attendu des heures durant à la réunion stratégique qui devait préparer les prochains combats. Elle devait se tenir au lever du jour. Au coucher du soleil, alors qu’il ne l’attendait même plus, Selin avait fini par entrer dans la tente, débraillé et échevelé, un rictus maladroit sur sa grosse tête carrée. Il avait grommelé « Désolé, j’ai été retardé par un Arbre-Monde. La saleté a poussé sur la route où j’étais et m’a embarqué, je n’ai pas eu le choix de le traverser en passant de branches en branches. Vous savez la taille de ces machins. Encore un coup de ces fichues Moires, j’en suis sûr ! »

Dix jours plus tôt, ils avaient essuyé une défaite cuisante auprès d’une des armées de l’Entre-Monde : le chef avait lancé l’attaque avec deux heures de retard. L’autre armée n’avait pas attendu. Selin avait expliqué plus tard que son bras avait eu une crampe ; ses combattants, aveuglés par la dévotion, avaient pensé à une stratégie de sa part et s’étaient fait mettre à terre.

Le pire était peut-être que cette réputation de chef retardé en permanence avait fini par s’étendre au-delà de leurs troupes. Les ennemis savaient aussi à quoi s’attendre désormais et les blagues allaient bon train sur les soldats de Selin et leurs attaques à retardement. Ils mordaient de plus en plus souvent la poussière et avaient perdu bon nombre de combattants, car ils laissaient le temps aux ennemis de les observer et d’adapter leur stratégie en conséquence.

Quand il vit les habitants de la ville qu’ils étaient censés attaquer pointer leurs têtes au-dessus des remparts pour vérifier la situation et se rendre compte qu’ils n’avaient pas bougé depuis plusieurs heures, Lum devina leurs ricanements et sentit la moutarde lui monter au nez.

« Bon. Bougez pas. Je vais essayer de voir ce qu’il fabrique. »

Les soldats étaient bêtes et disciplinés ; ce n’était pas pour rien que, retards mis à part, leur armée était une des meilleures de la Surface. Ils ne bougeraient pas, ils seraient toujours là quand le lieutenant reviendrait, prêts à l’assaut, sans questionner ses ordres.

C’est cependant un peu hébétés, leur rage sanguinaire vaguement retombée, que les soldats regardèrent leur lieutenant partir vers le campement d’un pas rageur.

Lum ne trouva pas immédiatement Selin. Les tentes qu’il vérifiait les unes après les autres étaient toutes vides, et seul un tintement de métal lointain le mit sur la route de son chef. Lum suivit le bruit et s’éloigna de plus en plus de la ville et de leur campement pour s’enfoncer dans le désert qui couvrait cette partie du pays. Le Surface devenait de plus en plus aride avec le temps et les ressources se faisaient rares : ceux qui ne souhaitaient pas aller s’abriter sous terre, dans le gris Entre-Monde se faisaient constamment la guerre pour avoir de quoi subsister. Lum faisait partie des convaincus qu’ils avaient besoin du cuisant soleil pour vivre et se battait corps et âme pour rester à la Surface. De son point de vue, les êtres de l’Entre-Monde étaient dénaturés : hors de question d’en devenir un. Ce n’était pas une vie. La plupart des soldats partageaient cette idée.

Le chef Selin, lui, était plus vague quant à son opinion sur le sujet : il semblait rester à la Surface surtout parce que c’était là qu’il s’amusait le plus. Cela suffisait à ses troupes. Avoir un chef à la fois puissant et bon vivant rendait souvent la vie plus agréable aux soldats.

Sauf quand le chef aurait dû donner l’assaut des heures plus tôt. Qu’allait-il avoir inventé, cette fois ? Il avait trébuché sur une plante carnivore mutante ? Il avait rencontré une hydre sur la route et avait essayé de voir combien de têtes pouvaient lui poser avant qu’elle s’écroule sous son propre poids ?… non, ça c’était le mois dernier.

A mesure qu’il s’approchait, le tintement se fit plus fort, sans que Lum parvienne à distinguer l’origine du bruit. Enfin, son regard fut accroché par une irrégularité sur le sol jaune poudreux. Ses yeux étaient embués par la chaleur et il lui fallut un petit moment pour distinguer qu’il s’agissait d’une des failles qui menaient à l’Entre-Monde. Si le chef était là-dedans…

…le chef était là-dedans. Juste à l’entrée de la faille, occupé à tailler dans la roche, si concentré sur sa tâche qu’il ne remarqua pas immédiatement son lieutenant. Lum se racla la gorge.

« Heu… chef ? Les troupes attendent votre commandement… »

Selin leva la tête d’un coup et son visage s’éclaira.

« Ah, Lum ! Tu tombes bien, je commençais à me demander si je n’allais pas avoir besoin d’aide pour remonter. Attends juste un instant, j’ai presque fini. »

Lum se mordit l’intérieur de la joue et patienta. Ils n’étaient plus à une minute près à ce stade…

« Voilà. Tiens, prends ce bout de corde et tire, s’il te plaît. »

Lum obéit. Selin avait beau avoir ses originalités, il restait son supérieur. Le lieutenant se pencha donc sur au-dessus de la faille et allongea le bras vers la corde que lui tendait son chef. Il tira et aida son chef à se redresser pour sortir de la faille. La tâche fut ardue. Lum savait que Selin était costaud, mais il ne s’attendait pas à ce qu’il soit aussi lourd ! Ce n’est que lorsque son chef put enfin se hisser par-dessus le bord qu’il comprit : autour de sa taille était nouée une autre corde, et Selin, bandant tous ses muscles, tira tout ce qu’il pouvait pour faire remonter ce qui était accroché à l’autre bout.

Lum ne put qu’admirer la force de son chef en le voyant, seul, tirer et traîner hors de la faille une lourde masse rutilante qu’il ne parvint pas à identifier. Puis, se secouant de ses pensées, il s’empressa de venir en aide à Selin en tirant à son tour sur la corde de toutes ses forces. A eux deux, ils ramenèrent sur le sol de la Surface ce qui s’avéra être un immense équidé de métal. Exténué, Lum ne pouvait qu’observer l’animal, complètement perdu.

Pas ému pour deux sous, Selin lui adressa son sourire le plus fier en flattant l’encolure de la bête de métal.

« C’est un cheval-vapeur de l’Entre-Monde ! Ils utilisent la chaleur géothermique pour le faire avancer. Belle bête, n’est-ce pas ? »

Selin entreprit ensuite d’expliquer à son lieutenant comment il était tombé sur des écrits des Anciens, racontant l’histoire d’un ingénieux combattant qui avait réussi à entrer discrètement dans une ville en se cachant dans un grand cheval en bois, avant de mener l’assaut depuis l’intérieur, s’assurant la victoire. Lum l’écoutait sans trop y croire, mais après tout, Selin était son chef, il avait de hauts faits d’armes sur son curriculum vitae, peut-être savait-il ce qu’il faisait. En revanche, il ne comprenait pas…

« Bon, cette stratégie est intéressante, mais chef, pourquoi ne pas nous l’avoir exposée plus tôt, lors de la dernière réunion stratégique ? Nos hommes attendent toujours l’ordre d’attaquer à l’aurore, comme nous l’avions déterminé alors !»

« Figure-toi que c’est par pure chance que je suis tombé sur ce canasson ! Je m’étais éloigné du campement le temps de vider ma vessie avant le combat quand j’ai trouvé cette faille et j’ai vu l’éclat de métal. Alors je suis descendu pour voir et, quand j’ai découvert le cheval-vapeur, j’ai repensé à cette stratégie. Il m’a fallu un moment pour le dégager de sa prison de pierre. Cette entrée vers l’Entre-Monde a dû s’affaisser sur ses précédents propriétaires : il ne manquera à personne. Allons-y, Lum !»

Selin avait toujours, toujours des bonnes excuses pour expliquer comment il avait été retardé. Face à un tel argumentaire, Lum ne put qu’opiner et, cahin-caha, traînant l’immense cheval-vapeur derrière eux, ils retournèrent au lieu du combat.

Quand ils arrivèrent, ils trouvèrent les soldats assis par terre, en train de jouer en traçant des traits dans le sol poussiéreux. Leur arrivée fut à peine remarqué, tant les soldats semblaient concentrés sur ce qu’ils faisaient.

Le chef prit une grande inspiration.

« Combattants ! », lança-t-il d’une voix tonitruante.

Les soldats sursautèrent, se relevèrent brusquement et s’époussetèrent. Constatant avec satisfaction qu’il avait leur pleine attention, Selin continua :

« Je vous apporte la victoire ! Les textes des Anciens nous ont apporté leur sagesse, et voilà notre nouvelle stratégie ! A mon commandement, nous monterons tous dans ce cheval-vapeur, et nous ferons croire aux habitants de cette ville qu’il s’agit d’un cadeau pour eux, une demande de paix. Ils laisseront le cheval entrer dans leurs remparts et à la tombée de la nuit, CRAC ! Nous attaquerons par surprise ! »

Sur ces mots, Selin sauta sur le cheval-vapeur, et pressa le bouton pour ouvrir sa porte. Les troupes poussèrent des exclamations de triomphe en voyant la vapeur s’échapper des naseaux de l’animal.

La bête de métal se cabra, puis tressauta, puis il y eut un crac et elle s’effondra au sol.

Un lourd silence retomba sur l’armée. Selin se gratta la tête.

« Allons. Il doit y avoir une explication ; ces machines sont supposées être très solides. Voyons… »

Il se pencha sur l’animal mécanique, puis ouvrit une trappe sous son ventre et plongea dans les entrailles du cheval-vapeur. Les soldats se lancèrent des regards gênés. Lum, désemparé, ne pouvait que tenter de décrypter les marmonnements de son chef à mesure qu’il sortait des pièces mécaniques du ventre de la bête.

« AHA ! »

Selin ressortit avec un air triomphant sur le visage.

« C’est tout simple, ne vous en faites pas ! Ce cheval-vapeur est exténué, il est à court d’énergie et a tout simplement FAIM. Ne bougez pas : je vais lui chercher du carburant géothermique dans la faille. Elle n’est pas loin, je n’en ai pas pour très longtemps. Tenez-vous prêts : la victoire est proche, combattants !»

Selin s’en fut en courant, sûr de lui, et Lum sentit ses épaules s’affaisser. Le chef avait encore trouvé une très bonne excuse pour prendre du retard. Sous le soleil couchant, l’ombre du cheval-vapeur s’étendait, les narguant. Selin n’était déjà plus qu’un petit point dans l’horizon.

Lum se tourna vers les soldats. Chef ou pas, il y avait des limites.

« Vous savez quoi ? Cette fois-ci, j’en ai marre. Les fumeuses stratégies de chevaux-vapeur, ça suffit.»

Les soldats le regardèrent hébétés.

« Mais le chef…

– On l’attend encore cinq minutes. CINQ. Pas une de plus. »

Les soldats opinèrent, mal à l’aise, guettant la silhouette de leur chef. Lum décida alors de mettre à profit ce temps pour haranguer les combattants qui semblaient sur le point de retourner s’asseoir.

Il jeta un œil au soleil presque couché. Les cinq minutes étaient écoulées.

En dépit de cause, Lum prit une grande inspiration et lança l’assaut d’une voix tonitruante.

Un flot de combattant poussiéreux et bruyant s’élança vers le village qui, n’attendant même plus l’attaque, avait laissé ses défenseurs regagner leurs foyers.

Finalement, il devait reconnaître ça au chef : l’attaque à retardement, c’était peut-être encore la meilleure stratégie.

Contrainte 1 En bas d’une pyramide inca
Contrainte 2 Un enfant qui saigne

LA LÉGENDE DU CHEVAL VAPEUR

« Vous, citoyens lambda qui pensez tout savoir de l’époque précolombienne, cette histoire bouleversera à jamais vos croyances.

Il y a des milliers d’année de cela, à l’époque où les forêts du continent sud-américain étaient encore pleine de lamas à trois queues et d’hérissons aux poils long, vivaient un animal fantastique. Bien que son aspect pourrait nous rappeler celui d’un équidé ordinaire, il était plus grand, plus fort, plus sauvage et par-dessus tout, unique. Il y aurait encore bien d’autres qualités à lui attribuer mais quelque chose très particulier faisait de lui, la créature la plus hors du commun qui ait existé : Il était capable d’émettre des flatulences si puissantes que cela lui permettait de se déplacer à une vitesse phénoménale. Certains racontent qu’ils l’auraient même vu s’envoler.

C’était là son meilleur atout mais aussi ce qui l’aura conduit à sa perte.

La créature était convoitée de tous. Quiconque serait capable de la tuer, ferait le meilleur festin de sa vie et bénéficierait par la même occasion de son pouvoir étonnant.

Tous prétendaient l’avoir déjà entendu galoper mais personnes ne savait clairement le décrire tant il allait vite.

La réalité est que ses pas étaient si légers que seule une oreille entraînée aurait pu les entendre. Par contre, ce qui ne pouvait assurément pas passer inaperçu, c’était le son que produisaient ses pets extraordinaires.

Un jour, le chef d’un village inca voulant se démarquer des autres, décida de tout mettre en œuvre pour capturer l’animal. Il usa alors de la pire duperie qui existe : l’appelle de l’amour.

Les ingénieurs du village avaient mis au point un dispositif capable de reproduire au Herz près le son  que produisaient les gaz majestueux de la créature. Ils placèrent la machine sur le toit d’une de leurs pyramides sacrées puis creusèrent tout autour une tranchée si étroite et profonde que même l’animal fantastique ne pourrait s’y extraire.

L’animal, pensant qu’il n’était finalement pas le seul représentant de son espèce tomba droit dans le piège. Durant les sept jours qui suivirent sa capture, on entendit résonner dans toute la forêt le chant de la confusion et de la captivité. Les dernières notes furent les plus ébouriffantes et étaient l’image de la colère de la créature. Le sol trembla cette nuit-là.

La légende raconte qu’un jour, l’animal reviendra du royaume des morts plus affamé que jamais. Oui, affamé de chair humaine car seul le goût du sang humain pourrait étancher sa soif de vengeance !

Les historiens ne se sont toujours pas mis d’accords sur la traduction du nom que lui donnaient les peuples précolombiens mais tous s’accordent à l’appeler « le cheval vapeur ». »

« Lucas, arrête de lire ces bêtises et profite du paysage ! Ce n’est pas tous les jours que tu pourras observer la beauté des forêts Péruviennes. Ma chérie pourquoi tu lui acheté ce bouquin ? »

« Lulu écoute ton père, tu pourras livre ce livre une fois rentrés.»

« Ils disent que les chercheurs ont récemment découvert que le cheval vapeur avait les poils longs et  les genoux dégarnis ». Lucas se mit à rire.

En tentant de passer à la page suivante, l’enfant se coupa le bout du doigt qui se mit à saigner. Il s’empressa de nettoyer sa plaie en la léchant, puis jeta un regard inquiet à travers la vitre du véhicule.

 

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