« Les Nefs de Pangée » de Christian Chavassieux

Pangée est le nom donné par un scientifique allemand (Alfred Wegener) à l’énorme continent regroupant la quasi totalité des terres émergées à la fin du Carbonifère. Cet ensemble aurait commencé de se disloquer à la fin du Permien, jusqu’à adopter la configuration des sept continents actuels. Nos géologues pensent que, du fait de la tectonique des plaques et de la dérive des continents, il y a eu plusieurs supercontinents successifs et qu’une nouvelle Pangée se formera dans environ 250 millions d’années… De quoi rêver !

C. Chavassieux (qui a déjà pratiqué théâtre, poésie, essais sur l’art et un roman de SF) s’en donne à cœur joie. Il imagine le supercontinent (cartographié avec ses reliefs, ses cours d’eau et ses villes), sans oublier sa flore, sa faune, ses peuples, leurs étranges coutumes et leur histoire mouvementée… Les événements sont racontés du point de vue de personnages qui ignorent à quoi ressemblait leur monde auparavant. Aussi le lecteur peut-il se demander s’il est dans le lointain passé de notre planète (du temps des derniers dinosaures ?) ou dans un hypothétique avenir.

Le récit commence avec le retour au port de quelques nefs rescapées de la « 9e chasse ». Il s’agit d’une expédition rituelle contre l’Odalim (monstre marin qui hante l’océan unique) qui remonte à la fondation de Basal. La légende veut que, si le Maître des Eaux est vaincu, cela assure 25 ans de paix et de prospérité pour tout le continent. Mais si la flotte échoue, le continent subira la famine et la guerre. Après l’échec de la 9e chasse, pour s’assurer que la 10e sera victorieuse, les familles de Basal décident de réunir la plus grande flotte possible, composée des nefs envoyées par toutes les villes importantes de Pangée. Il s’agit d’assurer l’unité du continent sous la suprématie de Basal, et plus précisément de la famille Anovia qui gouverne cette ville. Cela va demander des préparatifs titanesques qui aspireront toutes les énergies du continent. Pour respecter les traditions, il faudra faire appel aux oracles qui choisiront le commandant en chef de la flotte et la conteuse chargée de chanter les exploits des chasseurs. Il faudra mener à bien cette quête épique, alors même que des rivalités sanglantes opposent les peuples entre eux et divisent aussi les familles qui les gouvernent.

284 nefs prennent enfin le départ pour la 10e chasse. Mais l’Odalim se révèle plus coriace que prévu et la tâche du commandant en chef se complique du fait que les Flottants (habitants des îles mobiles) croisent sa route, et que, sur le continent, les intrigues politiques et les luttes fratricides continuent de plus belle. Que sortira-t-il de cette « chasse » ? Quel monde retrouveront les chasseurs à leur retour ? Que pourra dire la conteuse à ceux du continent, alors qu’elle n’a pas vu la fin de la Chasse ? Y aura-t-il encore un avenir pour Pangée ? Y aura-t-il encore des peuples pour mener la Chasse ? Ou même des odélim à pourchasser ?

Au fil de cette épopée qui tient à la fois de la Fantasy et de la SF, il y a de quoi satisfaire tous les goûts : un fabuleux récit de voyage dans des décors tour à tour pittoresques ou grandioses, des exploits héroïques, des luttes sanglantes aux rebondissements imprévus, des personnages hauts en couleur (qu’ils soient attachants ou haïssables). Sans oublier une réflexion sur l’absurdité de la guerre : les protagonistes des conflits en cours ont plus d’une fois l’occasion de se demander dans quel camp sont les monstres et de découvrir que l’adversaire n’ait pas si « étranger » qu’ils l’imaginaient. Bref, le livre vaut le détour et confirme les talents multiformes d’un auteur qui a déjà touché à un peu à tout : romans, poésies, pièces de théâtre, contes pour enfants, scénarios de BD et de films…

Ne pas rater le glossaire en finale du livre. L’éditrice conseille de ne le lire qu’après le roman pour ne pas « spoiler ».

Chronique de Marie Renée Lestoquoy

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