« Le Jugement Dernier – La Science du Disque-Monde – 4 » de Terry Pratchett, Ian Stewart et Jack Cohen

« Cette espèce n’a pas créé ce monde ; c’est ce monde qui a créé cette espèce. » 1– Pasteur Lavoine.

Et voici le quatrième opus de La Science du Disque-Monde. J’avoue humblement que, si j’avais aperçu les couvertures des précédents tomes, je n’en avais encore jamais lu le moindre mot. J’ignorais donc qu’il s’agissait de vulgarisation scientifique sérieuse dans un contexte qui ne l’est absolument pas. En effet, à partir du délire qu’est l’univers du Disque-Monde (« plat, circulaire, soutenu par 4 éléphants porteurs juchés sur le dos d’une tortue spatiale… »), Pratchett parvient à confier la narration (le narrativium ?) à deux scientifiques : Stewart & Cohen, le premier mathématicien et le second biologiste.

Ces deux chercheurs s’amusent donc à tenter de comprendre le monde, comment tout ça fonctionne, bref essayer d’emmener le lecteur sur le chemin du comment et du pourquoi. Ceci avec un langage majoritairement accessible, même si bien malgré eux, ils sont obligés de faire parfois un peu compliqué. Il ne reste alors au lecteur qu’à relire, parfois re-relire le passage afin, sinon de comprendre, au moins d’appréhender leur discours.

Quel en est l’intérêt ? Permettre aux lecteurs amateurs des légèretés de l’univers des romans de Pratchett (« … peuplé d’humains, de mages, de sorcières, de trolls, de nains, de vampires, de golems, d’elfes ordinaires, sans oublier la Fée des dents et le Père Porcher ») de s’initier aux idées actuelles de la science, de tenter de faire un peu fonctionner cet organe mou que nous abritons dans notre crâne. Sans rire : ça ne se fait pas sans mal, mais on en sort… un tout petit peu moins sot.

Ce Jugement Dernier s’évertue donc à nous détailler comment, à ce jour, la science explique ou comprend la naissance de l’univers, puis celle de notre planète, et enfin celle de la vie sur notre terre, dénommée ici Globe-Monde, puisqu’il a été découvert par un mage du Disque-Monde. Sous l’égide de la fiction, les deux savants décortiquent les avancées sur la compréhension de notre univers dit réel. Ils explicitent combien les scientifiques sérieux ne forcent pas le puzzle de leurs découvertes, de leurs indices, à correspondre à l’image qu’ils ont du monde. À l’inverse des croyants (de toute obédience) qui ont toujours voulu forcer la science à justifier l’existence du divin. Nous partons donc du « Big Bang » jusqu’à nos jours, nous voyageons de l’infiniment grand à l’incroyablement petit, nous abordons des rivages complexes où l’évolution laisse la place à l’exaptation. On quitte l’anthropocentrisme –« À quoi cela peut-il me (ou nous) servir ? » – pour l’exocentrisme – « le système du monde ne fonctionne pas en termes humains ». Toujours sous la vigilance de la logique, de l’honnêteté intellectuelle, de la remise en cause permanente des observations qui n’ont pas encore pu être promulguées en lois. Et même ces lois restent sujettes à caution. Une mauvaise interprétation, pour cause de manque de données, est toujours possible. En conséquence, la science est en évolution constante, toujours à l’écoute des possibles, tant qu’une certaine logique les sous-tend.

« C’est pourquoi l’application aveugle des lois de la nature, comme le principe de conservation de l’énergie ou le deuxième principe de la thermodynamique, peut tromper. En plus de leur contenu, les lois s’appliquent dans un contexte. Une loi de la nature paraît peut-être ériger une barrière insurmontable, mais, si on l’applique dans un contexte inadéquat, on laisse parfois à la nature la liberté de la contourner furtivement. Et elle le fera. »

Le savant ne peut se permettre d’œillères, s’il veut pouvoir déceler, sinon La vérité, au moment et avec les éléments dont il dispose alors, du moins ce qui s’en rapproche le plus. Ainsi les postulats expliqués dans les tomes antérieurs sont parfois ici revus, en toute humilité. « Si l’on peut se passer de jugement hâtif, autant s’en abstenir. »

Quand à la forme de l’univers ?

«Vaste question. Il faut, d’une manière ou d’une autre, déterminer la forme de tout ce qui existe, d’un point de vue unique, situé à l’intérieur. Cela paraît impossible. Mais on accomplit de nets progrès en empruntant quelques astuces à un carré fictif et à une fourmi. »

Ainsi, à l’aide de moult exemples, nos auteurs décortiquent l’histoire de la science, en extraient les grands principes, et surtout, à chaque étape, rappellent combien les chercheurs ne cessent de remettre en cause leurs certitudes.

Or, tout cela ne cesse de conduire à une nature toujours capable de se débrouiller (vous vous souvenez des dinosaures au départ toutes femelles de Jurassic Park ?) toute seule, sans intervention humaine, et encore moins divine. En d’autres termes, les savants parviennent à démontrer, sans tricherie aucune, que tout existe naturellement, alors que leurs détracteurs ne font qu’user de mauvaise foi !

Cette Science du Disque-Monde IV – Le Jugement Dernier est un livre de chevet, qu’on déguste à petites doses, qu’on fait rouler en bouche comme une bonne liqueur qui vous rend un peu plus intelligent (tenez, j’ai enfin cerné ce qu’est la topologie, dont mon fils causait pendant ses études de maths).

Note :
1. les textes « entre guillemets » sont des citations tirées du livre.

A propos de vincent

Tout autant amateur de SF que de Bourrée (3temps !), de Fantastique que de Violon, Vincent lit (comme on fait son) et visionne pour PdE avec un plaisir non dissimulé !

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