« Hammour » de Bruno Pochesci

« Elyah et Hugo s’haimment eux non plus dans une société où les pervanchmollahs verbalisent à coups d’ongles verninoxés, les cigognespionnes vous empêchent de procréer en paix et avoir des papiers constitue le pire des tourments administratifs. Il faudrait une bonne guerre, comme dirait l’autre. Ça tombe bien, les Valls’ viennent de la déclarer ! Lui se retrouve affecté au Tarthare, légendaire régiment aux trois semaines d’espérance de survie moyenne, avec son ami Vernon le philocuistot. Elle est incorporée aux Maharis, service de renseignements où il faut donner beaucoup de sa personne. Trop, sans doute. Si ce rohman (avec un H, oui, puisqu’il est rédigé en langue sub’…) était une chanson, la question-refrain serait : qu’est-ce qui pourrait sauver l’Hammour? »

À lire la 4ème de couv’, on peut craindre le pire, ou tout au moins un bon mal de crâne pour suivre les péripéties des deux tourtereaux ! Alors, sans doute la lecture des premières pages est-elle un peu délicate, parce qu’il faut s’habituer à cette déferlante de mots triturés, malaxés, tordus dans tous les sens, dont on réalise vite qu’ils ne sont pas – que – drôles. Passé ce cap, l’auteur réussit à nous embarquer dans son histoire, à force de poésie, de drôlerie, de tendresse, de violence et de réflexion. Eh, oui, c’est tout ça à la fois Hammour, un roman d’amour, un roman d’aventures, une anticipation politique, un pamphlet contre la connerie de la guerre, une dénonciation sans concession des folies que les humains sont susceptibles de faire pour le pouvoir et l’argent. Et c’est aussi un hymne à l’amitié et à l’amour, aux allumés foutraques capables de mettre à terre tous les salauds de politiciens et leurs gentils sbires aux ordres.

Bruno Pochesci parvient à nous embarquer avec un style qui n’appartient qu’à lui (même si j’ai parfois pensé à Vian pour sa faculté à tordre la langue), sur des thèmes que ses fidèles lecteurs reconnaîtront sans doute (l’amour-toujours, par delà les différences et les frontières, la politique et les gouvernants sans scrupules, un zeste d’anarchie…).

Toutefois, pour parler de politique, pas de grands discours, il choisit de suivre des personnages tout simples en apparence, des sans-grade, des broyés par le système, des qui voudraient juste pouvoir vivre et aimer en paix, mais se retrouvent en première ligne quand les puissants décident d’être encore plus puissants.

C’est souvent très drôle, pourtant, lorsque l’on croit que l’on apprécie ce bouquin juste parce qu’on se marre, parce qu’il dénonce à grands coups de mandales les méchants de ce monde, on se surprend avec une larme au coin de l’œil, avec comme un pincement au cœur et la rage au ventre, parce que sans avoir l’air d’y toucher, l’auteur devient poignant.

Ça doit être ça le talent, écrire un rohman qui fait rire et pleurer, réfléchir et s’amuser…

Hammour
Bruno Pochesci

Éditions Rivière Blanche – novembre 2016
360 pages –  25 euros

A propos de Syl

Fervente adepte des cultures de l'imaginaire (et des autres), curieuse de tout (et du reste), boulimique du verbe (qui a dit, mais pas que ?), enfin et accessoirement présidente du concours Visions du Futur (pots de vin acceptés).

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