« Les Fantasmes de Svetambre » de Lucie Chenu

Les Éditions Rivière Blanche nous présentent ici douze textes, tous parus dans diverses anthologies, accompagnés d’un inédit, soient treize récits – hasard, ou clin d’œil ? Ce qui les relie ? La place accordée aux personnages féminins, et aux enfants. Enfants maltraités, femmes violentées, souffrance, peur, cruauté, mais aussi combat, force et espoir : les émotions traversent les nouvelles de Lucie Chenu, pour offrir au lecteur un condensé d’humanité.

Lune de mon cœur évoque les violences conjugales, dans une atmosphère fantastique – les visions qui hantent le tortionnaire et les pouvoirs télépathiques de sa jeune victime. Toutefois, c’est surtout le lien fusionnel de la mère et de l’enfant, leur seul véritable mode de défense, qui retient l’attention. La sorcière de la Montagne Noire nous conte une très belle histoire sur la culpabilité et la rédemption, celles d’une petite fille amoureuse des chats qui pense les avoir trahis et ne se rachètera qu’au péril de sa vie. Avec Les disparus de Saint-Bosc, nous sommes toujours auprès des enfants, les enfants incompris, maltraités, abandonnés ; Lucie Chenu traite ici avec beaucoup de finesse la douleur de la perte, et ose une fin difficile sur un sujet sensible. Partir parle de la mort, et si le dénouement est un peu prévisible, l’écriture mélancolique sait accrocher le lecteur.

Trois textes plutôt fantasy, Deliciae Meae, à la tonalité très poétique, Le bol d’argent, variation assez classique du mythe des incubes, et Ayehannah, qui nous entraîne sur les pas d’une dryade à la cour de Louis XIV, en butte aux jalousies et aux rivalités bien humaines, apportent à l’ensemble une fraîcheur et une pointe d’humour bienvenues.

My generation évoque une femme à la brillante réussite professionnelle – au prix du sacrifice de sa vie –, qui se porte volontaire pour une expérience de recréation du passé. Comment vit-on avec ses choix, que fait-on de ses regrets, sont les questions posées par ce récit beaucoup plus ancré SF. Un ancrage présent aussi dans La brigade des Enquêtranges, avec une intéressante idée de vampirisme temporel, que l’on aimerait retrouver dans une nouvelle aventure. Mission humanitaire, c’est le choc entre métropoles « propres » et monde rural misérable, en suivant le parcours d’une femme médecin, un peu manichéenne, mais plutôt sympathique.

Dans La cité des Rebelles, une belle narration alternée entre un New York agonisant et glauque et une cité fantastique peuplée de métamorphes s’appuie sur les légendes amérindiennes pour embarquer le lecteur dans un voyage aux tonalités tantôt douces-amères, tantôt violentes.

Enfin, deux nouvelles se détachent nettement, par leur intensité et leur thématique fortes. Niche, cabane, ya ! nous conduit en ex-Yougoslavie, dans un texte qui est un coup de gueule/coup de poing, trop-plein de rage et de colère contre les politiciens et les militaires à leur botte. Et puis, il y a (R)EVE, où comment les nanotechnologies ont révolutionné la création artistique ; mais on ne joue pas impunément avec ses créations/créatures et la sculptrice Ève s’en rendra vite compte. Entraînée dans un délire érotico-pervers, une débauche de sensualité et de sexualité, l’artiste ira au bout de ses fantasmes !

Lucie Chenu est une anthologiste reconnue, cette sélection permet de se plonger dans son univers d’auteur et d’explorer les multiples facettes de son talent.

A propos de Syl

Fervente adepte des cultures de l'imaginaire (et des autres), curieuse de tout (et du reste), boulimique du verbe (qui a dit, mais pas que ?), enfin et accessoirement présidente du concours Visions du Futur (pots de vin acceptés).

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